La question de l'autorité parentale dans nos consultations psychologiques
L'autorité parentale est définie par l'article 371-1 du code civil comme un ensemble de droits et devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant, appartenant aux père et mère jusqu'à émancipation ou majorité de l'enfant, pour le protéger, assurer son éducation et permettre son développement. Les parents l'exercent conjointement, ou plus exactement «en commun» comme le prévoit l'article 372 du code civil. Enfin, l'article 372-2, indique que, à l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre parent quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale.
Ainsi, les parents doivent, entre autres, veiller au bon suivi de la santé de l'enfant. C'est là que notre pratique de psychologue de la FPH est concernée par l'exercice de l'autorité parentale : en Centre Médico-Psychologique pour enfant, nous exerçons dans le champ de la santé publique et notre travail sera considéré en jargon juridique comme relatif à la «santé» (mentale en l'occurence).
En savoir plus : voir le retrait partiel ou total de l'autorité parentale (article 379-1 du code civil) ainsi que cette circulaire du 19 avril 2017 relative à la protection judiciaire de l'enfant.
Il n'y a pas de liste explicite d'actes usuels ou non usuels. Il faut se fier aux décisions de justice. Voici le résultat de mes recherches, dans l'ordre chronologique :
Relisons la loi (article 372-2 du code civil) : à l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre parent quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale.
Ainsi, la loi dit que pour les actes usuels, lorsqu'un parent se présente seul à la consultation pour son enfant, l'autre parent est réputé être d'accord avec le fait que l'enfant soit amené à la consultation (l'autre parent serait donc supposé être informé et d'accord).
Cela impliquerait également que le fait de l'accord ou du désaccord de l'autre parent est du ressort des détenteurs de l'autorité parentale, pas du vôtre (il n'est pas de votre ressort de vous assurer que le parent qui vous présente l'enfant exerce l'autorité parentale conformément à la législation en vigueur et, donc, que l'autre parent soit informé et/ou d'accord) !... Bien sûr, la clinique de notre travail de psychologue nous amène souvent à questionner ce point dans l'entretien, implicitement ou explicitement.
L'article 372-2 du code civil ne tient plus lorsqu'on a la notion que les parents ne sont pas d'accord.
Enfin, a contrario, lorsque la consultation en pédopsychiatrie n'est pas un acte usuel de l'autorité parentale, alors l'autre parent n'est plus réputé d'accord : il doit énoncer clairement son accord et l'autre parent doit pouvoir être en mesure de porter cet accord sans équivoque à la connaissance de son interlocuteur pour lui permettre de donner suite à une demande faite par les détenteurs de l'autorité parentale dans le cadre d'un acte non usuel... en tous cas, c'est ce qui me paraît logiquement impliqué par cet article du code civil.
Si le parent qui vous amène l'enfant vous dit que l'autre parent n'est pas d'accord ou si vous avez le moindre doute/certitude sur le fait que les parents n'agissent pas d'un commun accord, alors nous ne sommes plus dans un cas où l'article 372-2 du code civil peut s'appliquer.
Il semble que ce soit le Juge aux Affaires Familiales et lui seul qui puisse trancher la question du bien-fondé d'une consultation en pédopsychiatrie (et non pas le psychologue sollicité), encore faut-il qu'il soit saisi par un des parents à propos de la question d'emmener l'enfant en consultation pédopsychiatrique.
Si un parent interdit la poursuite de la prise en charge, celle-ci doit s'arrêter immédiatement et tout cela être soigneusement consigné par écrit dans le dossier.
Cela peut paraître évident, mais il me semble important de rappeler que vous ne pouvez pas décider de quelque chose pour un enfant si vous n'êtes pas détenteur de l'autorité parentale pour cet enfant.
Dans le cas où il vous apparaît que l'enfant soit en danger parce que les détenteurs de l'autorité parentale feraient ainsi défaut à leur obligation de veiller au bon suivi de la santé de l'enfant (ou l'un d'eux empêchant l'action par son opposition), alors nous serions dans le champ de l'enfance en danger : la compétence revient au Juge des Enfants via une information portée à sa connaissance par vos soins (cf. page sur les questions du signalement d'enfant en danger). Ce cas (imaginaire?) pose la question de l'indispensable suivi psychologique...
Pourquoi cette question ici ? parce qu'elle est souvent posée ou amenée de façon connexe avec les questions d'autorité parentale, dans le cadre des conflits post-séparation parentale.
L'enfant peut-il demander à être entendu par un juge ? Le Juge peut-il refuser d'entendre l'enfant ? etc.
Les parents et les enfants ont souvent la notion/croyance que le juge ne peut pas refuser d'entendre l'enfant dès lors qu'il a l'âge de 13 ans. Qu'en est-il ?
C'est l'article 388-1 du code civil qui traîte de cette question. L'article dit clairement que cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. Cependant, le juge peut désigner quelqu'un d'autre que lui pour procéder à l'audition.
En cas de refus de donner suite à la demande de l'enfant, le juge doit préciser et expliquer les raisons concrètes sur lesquels il se fonde pour retenir l'absence de discernement de l'enfant (par exemple, la simple référence à l'âge de l'enfant ne suffit pas cf. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 18 mars 2015, 14-11.392).
Concernant l'exercice médical, les réponses se trouvent dans le code la santé publique : L 1111-5 du code de la santé publique : sous certaines conditions, le mineur peut recevoir des soins sans que ses parents soient consultés.
Cette législation s'applique-t-elle à nous alors que nous ne sommes pas professionnels de santé ? Sans vouloir dire que c'est une réponse à cette question, je rappelle ici que le tribunal administratif de Paris a assimilé la consultation par des psychologues à une consultation médicale (cf. plus haut).
Ce sont les articles 413-1 à 413-8 du code civil qui traitent de l'émancipation des mineurs.
L'émancipation rend le mineur de 16 ans révolus "capable" (comme un majeur) de tous les actes de la vie civile. Il devient responsable des dommages qu'il cause, peut passer des contrats, n'est plus sous l'autorité de ses parents, peut administrer lui-même ses biens mais l'émancipation ne change rien aux règles concernant le mariage ni pour se faire adopter. D'ailleurs, le mariage d'un mineur l'émancipe de plein droit.
C'est aux parents (ou conseil de famille) d'en faire la demande motivée au juge des tutelles. Si la demande n'est faite que par l'un des parents, le juge consultera l'autre. Le juge entendra également le mineur.
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L'instruction n° DNS/2024/123 du 23 juillet 2024 relative au lancement opérationnel du programme HOP'EN 2 pour soutenir l'atteinte de cibles d'usage des services socles des établissements de santé (page 148) a pour objectifs, entre autres, que les documents de sortie du séjour et les comptes-rendus de consultation soient partagés dans Mon espace santé.
Je ne sais pas si les comptes-rendus psychologiques du dossier patient feront partie de ces "comptes-rendus de consultation", ou s'il faudra rédiger un compte-rendu spécifique pour le dossier médical partagé, mais ces évolutions appellent à les rédiger de sorte qu'ils soient lisibles par le patient (et les détenteurs de l'autorité parentale en ce qui concerne les patients mineurs). Il semble qu'il faille faire figurer, pour chaque consultation, les éléments diagnostiques et thérapeutiques nécessaires à la coordination des soins.
Affaire à suivre.
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